En principe, chaque partie au procès supporte ses propres frais irrépétibles. Ces frais sont notamment les honoraires de l'avocat exposés par la personne poursuivie.
Ainsi, chaque partie peut demander au juge à ce que ces frais soient supportés par l'autre partie. En pratique, la partie qui a perdu le procès aura à sa charge le remboursement des honoraires de son adversaire, dont le montant est fixé subjectivement par les juges.
En matière pénale, les personnes poursuivies devant les juridictions répressives peuvent aussi se faire indemniser si elles ont gagné leur procès.
À cet égard, le code de procédure pénale prévoit que toute personne poursuivie peut demander, à toute juridiction, prononçant une décision de non-lieu, un jugement de relaxe ou d’acquittement de lui accorder une indemnité au titre des frais exposés par celle-ci pour assurer leur défense (article 800-2 du code pénal).
Néanmoins, le montant de l’indemnité ne peut excéder la contribution de l'État à la rétribution de l'avocat qui aurait prêté son concours à l'intéressé au titre de l'aide juridictionnelle pour l'ensemble de la procédure ayant abouti à la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.
Le paiement de cette indemnité incombe, en principe, à l'État. Autrement dit, il appartient au trésor public de régler le montant de l’indemnité fixée par les juges.
Toutefois, les juges peuvent aussi décider d’ordonner que le paiement de cette indemnité soit mise à la charge de la partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement par cette dernière. Ainsi, par exemple, en matière de presse, la partie civile qui a initié l’action en justice et a mis l'action publique en mouvement peut être condamnée au paiement de cette indemnité.
Ces dispositions sont également applicables devant la Cour de cassation en cas de rejet d'un pourvoi portant sur une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. L'indemnité doit être demandée à la juridiction d'instruction ou de jugement avant que celle-ci ne statue sur l'action publique. La demande fait l'objet d'une requête datée et signée du demandeur ou de son avocat, adressée à la juridiction soit par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, soit par remise au greffe contre récépissé :
1° Au plus tard avant l'expiration du délai de vingt jours prévus par l'article 175, si la demande est formée devant le juge d'instruction ou la chambre de l'instruction ;
2° Avant la clôture des débats, si la demande est formée devant une juridiction de jugement. Cette requête indique le montant de l'indemnité demandée pour chacun des frais exposés. Elle est accompagnée des pièces justificatives des frais exposés, comprenant notamment une attestation de l'avocat indiquant soit le montant de ses honoraires, soit le fait que ceux-ci ont dépassé le montant légalement prévu.
La décision statuant sur la demande d'indemnisation est rendue par la juridiction en même temps que la décision statuant sur l'action publique, sauf si l'état du dossier ne permet pas de déterminer le montant de l'indemnité. Lorsque l'action publique a été mise en mouvement par la victime, partie civile, la juridiction d'instruction ou de jugement ne peut mettre l'indemnité à la charge de cette dernière que sur réquisitions du procureur de la République et par décision motivée, si elle estime que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire.
Le paiement de l'indemnité est effectué par le régisseur d'avances au vu de la décision de la juridiction. Enfin, il convient de rappeler que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 18 janvier 2019, par la chambre criminelle de la Cour de cassation, d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 800-2 du code de procédure pénale. Aux termes d’une décision, du 5 avril 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le principe selon lequel seules les personnes poursuivies peuvent demander de leur accorder une indemnité pour les frais exposés par celles-ci pour leur défense, en cas de jugement prononçant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement. (Décision du Conseil constitutionnel, n° 2019-773 QPC, du 5 avril 2019, SOCIÉTÉ UBER B.V. ET AUTRE)
En effet, lorsque la personne poursuivie a été condamnée, aucun texte ne permet à la personne citée comme civilement responsable (par exemples : parents, employeurs, etc. ...) d'obtenir devant la juridiction pénale le remboursement de tels frais, alors même qu'elle a été mise hors de cause.
Par conséquent, le conseil constitutionnel a considéré que les dispositions de cet article méconnaissent le principe d'égalité devant la justice en ce qu'elles privent la personne citée devant une juridiction pénale en qualité de civilement responsable, si elle a finalement été mise hors de cause, de la faculté d'obtenir le remboursement des frais « irrépétibles » lorsque la personne poursuivie pénalement a été condamnée.
Il considère aussi qu’il existe une atteinte à l'équilibre des droits entre les parties au procès pénal dans la mesure où la victime, partie civile, a, elle, toujours la possibilité de réclamer à la personne reconnue civilement responsable le remboursement de ses frais irrépétibles en cas de condamnation de cette dernière.
Le conseil constitutionnel a ainsi voulu étendre les champs des personnes susceptibles de se faire indemniser de leurs frais de justice pour assurer leur défense. Dorénavant, les personnes citées comme civilement responsables devant une juridiction pénale, mais mises hors de cause, pourront demander et obtenir de toute juridiction la condamnation de l’Etat au versement d’une indemnité au titre des frais de justice exposés pour leur défense dans le cadre de la procédure pénale.
Afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, le conseil constitutionnel a reporté au 31 mars 2020 la date de l'abrogation des dispositions contestées.
Pour les décisions rendues par les juridictions pénales après le 5 avril 2019, le conseil constitutionnel indique que les dispositions du code de procédure pénale doivent être interprétées comme permettant aussi à une juridiction pénale prononçant une décision de renvoi devant une juridiction de jugement, d’accorder à la personne citée comme civilement responsable, mais mise hors de cause, une indemnité au titre des frais exposés pour sa défense par celle-ci.
SOURCE Anthony Bem
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