BY STÉPHANE LOUMINT JURIDIQUE
Lorsqu’il y a suspicion de vol, de contrefaçon, en cas de doute sur la solvabilité d’un employé, de tromperie, de divorce, etc., les particuliers et même les entreprises ont de plus en plus recours aux détectives privés. Il existe beaucoup de raisons pour lesquelles il est intéressant de recourir à cette pratique, mais quelles sont les limites légales de la profession ?
Cette démarche est effectivement légale, mais elle reste régie par des restrictions strictes et est étroitement encadrée. Si ce type de service est de plus en plus répandu en France, le recours à un détective privé reste une pratique extrême pour beaucoup de personnes.
Il est essentiel de préciser le cadre juridique avec le cabinet de détectives privés que vous avez engagé. En l’absence de cadre législatif, un rapport d’enquête soumis aux tribunaux compétents sera rejeté.
Au milieu des mythes et des représentations erronées des détectives privés au cinéma, il est essentiel de clarifier le fondement juridique des interventions de ces professionnels.
Si vous êtes en droit de faire appel à un détective privé, que vous soyez un particulier ou une entreprise, cela ne veut pas dire pour autant que vous pourrez utiliser toutes les preuves qu’il pourra recueillir.
Le détective privé ne peut intervenir qu’uniquement s’il existe un droit légal d’enquêter. Dans la majorité des cas, la personne qui fait appel à ce type de service a été victime d’un préjudice, tel que défini et sanctionné par la loi, perpétré par un tiers, qu’il soit physique ou moral. Afin de protéger les intérêts légitimes de son client, le détective privé intervient pour rassembler les preuves qui établissent ce préjudice.
Avant toute chose, la personne qui demande l’enquête doit établir son identité. Elle devra également remettre à l’enquêteur des pièces justificatives. Ces documents seront plus tard utilisés par le détective privé pour vérifier l’authenticité de sa mission. Tout document, comme un jugement, un contrat de mariage, un contrat de travail ou une plainte pénale peut être établi pour établir le lien juridique. Sans la raison de ce lien, l’enquêteur sera dans l’incapacité d’intervenir. Ainsi, une demande d’enquête effectuée par quelqu’un sur une personne avec laquelle il entretient une relation amoureuse mais avec laquelle il ne vit pas ensemble et n’est pas marié sera refusée.
Le détective privé ne pourra également pas donner suite à des demandes illégales.
Le droit à la vie privée est un principe fondamental en France. Cette notion a d’ailleurs été amplifiée lorsque le Conseil Constitutionnel l’a élevée au rang de valeur constitutionnelle, dans un arrêt de 1999 basé sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En conséquence, le détective privé doit s’y conformer. Cette obligation s’axe à la fois sur les informations transmises par le demandeur ainsi que sur les informations qui sont recueillies lors d’une investigation réalisée par l’enquêteur privé.
Pour éviter que le demandeur ne divulgue des informations, l’enquêteur envoie généralement les résultats de ses investigations à un juriste, afin de se protéger d’un dépôt de plainte pour atteinte à la vie privée. Bien que le détective privé soit en mesure de prouver le cadre légal et d’expliquer la demande, la demande du client pour certaines investigations reste interdite ou soumise à une procédure spéciale.
Enfin, le secret professionnel lie le détective privé : il ne doit en aucun cas révéler à un tiers des informations relatives à une enquête, qu’elle soit en cours ou non. En cas de non-respect de cette réglementation, le code de déontologie prévoit des sanctions disciplinaires ainsi que des sanctions pénales, en vertu de l’article 226-13 du code pénal.
La demande la plus fréquente de mission interdite pour un détective privé est l’identification des antécédents criminels d’une personne. Le fichier des antécédents judiciaire contient toutes les infractions pénales d’une personne physique ou morale. Il ne peut pas être consulté par un détective privé en France.
Les informations relatives aux comptes bancaires sont protégées par le secret bancaire et ne peuvent donc pas être révélées par un enquêteur privé. Par conséquent, le détective ne pourra pas avoir accès au solde d’un compte bancaire, aux mouvements du compte bancaire d’une personne, ou au FICOBA, qui est un fichier comprenant les comptes bancaires d’une personne dans le cadre d’une affaire de divorce par exemple, ou d’une société.
Un détective privé n’a pas accès aux factures téléphoniques complètes d’une personne puisqu’elles sont protégées par le secret professionnel, et s’il ne respecte pas ce principe et arrive à obtenir des informations, il s’expose à être accusé de recel pour violation du secret professionnel.
De la même manière, il n’est pas possible pour un enquêteur de placer le téléphone de quelqu’un sur écoute étant donné qu’il s’agit d’une prérogative judiciaire. L’installation de logiciels espions sur un téléphone personnel est elle aussi illégale.
S’il ne respecte pas les règles évoquées, le détective privé s’expose à des sanctions pénales et administratives.
Depuis 2012, le Conseil national des activités privées de sécurité est chargé d’encadrer le secteur des détectives privés et d’appliquer les sanctions en cas de non-respect des règles. Tous les cinq ans, les licences des dirigeants et les cartes professionnelles des employés doivent être renouvelées. Un casier judiciaire vierge est exigé pour le renouvellement. Par conséquent, tout détective privé reconnu coupable d’un crime pourrait faire l’objet de sanctions administratives, y compris la perte de sa licence d’exercice.